En défense d’une conception humaniste des soins psychiques aux enfants et à leurs familles(décembre 2005)
dimanche 1er janvier 2006
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______ Union Confédérale des Médecins Salariés de France ______
Syndicat National des Médecins de Protection Maternelle et Infantile (S.N.M.P.M.I.)
Siège social, secrétariat : 65-67 rue d’Amsterdam 75008 Paris Tél : 01.40.23.04.10 Fax : 01.40.23.03.12 | S.N.M.P.M.I. 93 2 rue Herzog 93000 Bobigny Bobigny, le 6 décembre 2005 |
Psychologues, pédopsychiatres, pédiatres, professionnels de santé de l’enfance,
préservons une conception humaniste des soins psychiques aux enfants et à leur famille
Depuis plusieurs mois, nous assistons à ce qu’il faut bien définir comme une tentative de mainmise sécuritaire sur les soins préventifs aux jeunes enfants, en particulier dans leur dimension psychique. C’est tout d’abord le syndicat des commissaires de police qui propose de dépister dès la crèche les « enfants présentant un comportement prédicteur de délinquance ». Puis le député Benisti, qui dans un rapport parlementaire sur la prévention de la délinquance s’en prend à « l’instabilité émotionnelle » du tout petit, définie en particulier par la « non maîtrise de notre langue » et censée « engendrer cette violence (…) et venir alimenter les faits de délinquance ». Enfin, last but not least, une expertise collective de l’INSERM, en septembre 2005, tente d’apporter une caution scientifique à cette nouvelle pathologie déferlante chez nos tout-petits, le trouble des conduites : pour en établir la réalité, sont notamment appelées à la rescousse des notions telles « l’héritabilité du trouble des conduites » ou le lien avec « l’existence d’une personnalité anti sociale chez les parents ».
Il flotte sur tous ces écrits une empreinte indélébile de causalité univoque, un bon vieux parfum de déterminisme génétique et social qui, en d’autres temps, a pu conduire à des réponses radicalement eugéniques.
De nos jours, la conclusion est formulée en d’autres termes : on en appelle aux professionnels de première ligne dans les maternités, les centres de PMI, les crèches, l’école pour traquer le symptôme, grâce à un dépistage précoce, voire pré-précoce si possible, de ces facteurs de risques « prénataux et périnataux, génétiques, de tempérament et de personnalité, environnementaux », listés tels un inventaire à la Prévert (la poésie en moins) ; puis on portera assistance à ces présumés délinquants en herbe à l’aide de thérapies essentiellement comportementalistes, les plus rétifs étant promis à la réponse pharmacologique. Caricature ? Voire, si on se réfère à l’expérience d’outre-atlantique – plus de vingt millions d’enfants hyperactifs y seraient traités par Ritaline – où l’on privilégie le « rabotage des comportements », selon l’expression de Bernard Golse.
Le propos n’est pas de prendre position contre telle ou telle approche diagnostique ou thérapeutique adaptée à tel cas clinique. Il est d’affirmer que nous n’acceptons pas de regarder chaque enfant, chaque famille exposés à des difficultés de la vie comme immanquablement guettés par la dérive vers la délinquance ou tout autre comportement « déviant ». Il est de redire que nous revendiquons une approche humaniste des soins qui s’appuie sur la singularité du développement de l’être humain. Nous ne confondons pas les difficultés des personnes avec les dysfonctionnements de la société, nous savons aussi à quel point la précarité sociale et économique des familles, les difficultés d’accès au travail, au logement, à la protection sociale peuvent avoir des effets sur leur santé physique et mentale.
Bien sûr nous nous trouvons confrontés sur le terrain à des enfants, des familles qui présentent des difficultés d’ordre psychologique, pour certaines sévères, avec des manifestations symptomatiques variées, incluant des formes de troubles comportementaux sérieux. Nous les abordons dans un esprit, non de prédiction mais de prévention globale, comme le pratiquent, avec d’autres, les équipes de PMI quand elles accompagnent et soutiennent le tissage des premiers liens familiaux. Nous savons que les réponses doivent être recherchées sur différents plans : prise en charge psychique, soutien pédagogique, approche sociale, notamment. Pour cela les professionnels doivent être en nombre et formés à l’approche clinique et relationnelle du soin, chacun dans son domaine de compétence. Tous ensemble, nous avons grand besoin de psychologues intervenant dans toutes les écoles, d’assistantes sociales en primaire et maternelle, d’équipes largement renforcées et démultipliées en CMP et CMPP, ainsi que de capacités d’hospitalisation en pédopsychiatrie à la hauteur des besoins.
Souhaitons que les États généraux du 6 décembre contribuent à avancer dans cette perspective, pour préserver et développer des soins psychiques « bien-traitants » pour les enfants et leur famille en Seine-Saint-Denis.